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L'ouvrage de Gérard Thibault d'Anvers, l'Académie de l'Espée, est un ouvrage un peu à part dans l'histoire de l'escrime. L'objet lui-même, réalisé en 1628 par les éditions Elzévier est un grand in-folio de 55 cm sur 41 cm, de plus de 300 pages, richement orné et illustré.

 

Arsène Vigeant dans sa Bibliographie de l'escrime ancienne et moderne (ed. Matteroz, 1882), nous dit p.127 : les gravures de ce monument bibliographique sont remarquables, tant par les ornements et les détails que pour les poses et les costumes.

 Quelques années plus tard, Egerton Castel, nous disait dans L'escrime et les escrimeurs depuis le Moyen Âge jusqu'au XVIIIe siècle (trad. fran. A. Fierlants, ed. P. Ollendorf, 1888, p. 140)  : ce livre est tout un monument.

Jacopo Gelli, deux années plus tard en 1890, nous disait dans Bibliographia generale della scherma, con note critiche, biografiche e storiche (ed. L. Niccolai, Firenze, 1890, p. 450) : ce livre est une prodigieuse merveille typographique.

Maître Bosse, qui fut l’expert de la vente Garcia-Donnel à Drouot en 1926, consacrée aux livres anciens sur l'escrime et le duel, parle du "plus splendide ouvrage qu’ait inspiré le noble art des armes"

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En 2005, l'Académie de l'Espée a été réédité par les éditions Kubik, en fac similé, format 30 sur 38 cm. L'iconographie de l'Académie de l'Espée est consultable sur Gallica, ici.

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L'Académie de L'Espée, de son titre complet Académie de I'espée de Girard Thibault d'Anvers Où se demonstrent par reìgles mathematiques sur le Fondement d’un cercle mysterieux la théorie et pratique des vrais et jusqu'à présent incognus secrets du maniement des armes à pied et à cheval fut publié en 1630.

A-J-J Posselier, dit Gomard, cite, dans la bibliographie de son ouvrage, une édition réalisée à Paris en 1626. Mais il ne cite pas la maison d'édition (A-J-J Posselier (dit Gomard), La théorie de l'escrime - enseignée par une méthode simple basée sur l'observation de la nature, Librairie militaire de J. Dumaine, Paris, 1845, p.19). Aucun exemplaire de cette édition supposée n'est actuellement connu. Est-ce une erreur?

L'ouvrage connu date de 1628, mais les héritiers ont du attendre deux ans pour obtenir le privilège de l'empereur Ferdinand II autorisant la publication sur le territoire impérial.

L'Académie de l'Espée fût imprimée au mois d'août 1630 à la typographie de Bonaventure et Abraham Elzevier. Au sujet de cette maison d'édition, qui se trouvait juste à côté de l'Université de Leyde, on peut lire l'ouvrage retraçant son histoire : Annales de l'imprimerie elsevirienne ou histoire de la famille des Elsevier, de Charles Pieters, chez C. Annoot-Braekman, Gand, 1851. La dernière page de l'ouvrage mentionne que l'impression de l'ouvrage a été retardée en raison de la mort de Gérard Thibault (A noter que Isaac Elzevier, membre de la même famille mais imprimeur indépendant) avait imprimé en 1619 une traduction allemande du traité d'armes de Salvatore Fabri.

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Présentation de l'Académie de l'Espée :

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Il existe plusieurs variantes de l'édition de 1628. Il s'agit bien ici de copies variantes et non pas d'éditions différentes.

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La copie la plus complète est ainsi agencée :

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La page de garde donnant le titre complet de l'ouvrage est richement ornée. La page a été gravée  par

Bolswert, Schelte Adamsz (1586 -1659 originaire de Bolsward - Boalsert en frison, d'où son nom, ayant travaillé à Amsterdam puis à Haarlem puis à Anvers) mais la calligraphie centrale a été réalisée par le sculpteur de Haarlem : Gerrit Adriaensz Gauw (? - 1638). 

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Puis, le frontispice de l'ouvrage nous montre un portrait de Gérard Thibault réalisé par le célèbre peintre David Bailly (Leyde 1584 - 1657), fils du maître d'armes Pieter Bailly.

Au sommet du frontispice, on voit un cheval réalisant la courbette, un air relevé de haute école.

Sur cette page figurent les deux devises de Gérard Thibault :

- Gaudet Patientia duris (est-ce une référence au titre d'un ouvrage de l'astrologue Pierre Turrel?)

- Tranquillo Ration, nec sui impatiens Labor modum evaganti praestuit ferociae

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La troisième page est consacrée à la dédicace Aux Tres Auguste, Tres Haults, Tres Puissants, Tres Illustres, hauts, Magnifiques, Empereur, Roys, Princes, Ducs, Comtes et touts autres Seigneurs et Nobles fauteurs et amateurs de la très noble Science de manier les Armes.

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Sur la quatrième page figure un poème en latin de Daniel Heinsius, donnant ainsi la caution de l'érudition et de la reconnaissance universitaire - poème latin et traduction : ici.

L'intitulé du poème de Daniel Heinsius montre la proximité de Gérard Thibault avec Maurice de Nassau même s'il n'est pas ici le dédicataire unique de l'ouvrage de Gérard Thibault. Maurice de Nassau (1567-1625) fut un grand militaire. Il était aussi homme de lettre, grand politicien et mécène. On trouve dans sa bibliothèque personnelle de nombreux ouvrages, dont des ouvrages d'escrime, dont il fut pour certains le dédicataire :

- l'ouvrage de Pieter Bailly, dont nous parlerons dans la page consacrée à l'énigme du cercle de Leyde,

- l'ouvrage d'arts martiaux - à destination militaire -  d'Adam de Breen, publié à La Haye, 1618 : Le maniement des armes de Nassau (un exemplaire est conservé à la BNF),

- le Cabinet d'escrime du Capitaine Péloquin.

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Suivent les blasons des donateurs, avec, dans l'ordre de présentation :

- Louis XIII

- Georges Guillaume Ier de Brandebourg

- Jean Sigismond III de Brandebourg

- Christian de Brunswick-Lunebourg

- Maurice de Nassau

- Frederic-Henri d'Orange-Nassau

- Ernest Casimir de Nassau-Dietz

- Simon et Otto de Lippe

- Stephan Edler zu Putlitz

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Ensuite viennent un épigramme (texte latin et traduction : ici) de Caspar Barlaeus, et sur la même page un poème de Johannes van der Borch.

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Sur la page suivante figure un poème de Gabriel von Danuf, ancien élève de Salvatore Fabri devenu adepte des théories et de l'escrime de Gérard Thibault. Texte et traduction : ici.

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Sur cette même page figure ce petit texte en français - qui n'est probablement pas de la main de Gérard Thibault : 

Amy lecteur, n'attendez pas que par quelque longue préface on vous recommande l'entreprise, les peines et dépense excessive que l'auteur a employé en ce grand et précieux ouvrage ; les Princes et les Seigneurs à qui il l'a dédié, de qui on voit à l'entrée d'iceluy les armoiries, sont ceux qu'on prend en témoin des admirables preuves et effets qu'il a donné en leur présence de l'Excellence de l'art qu'il y enseigne, qui pourtant l'on eu en grande estime et l'ont honoré en plusieurs endroits de leurs faveur et bienveillance et poussé à en donner part à la postérité.

Le coût de l'ouvrage de Gérard Thibault dût être conséquent. L'oeuvre d'une vie. Et afin de pouvoir couvrir les dépenses inhérentes à la réalisation de son ouvrage, on conçoit l'appel à des donateurs.

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Puis viennent les trois privilèges ayant été nécessaire à la publication :

le privilège de Ferdinand II accordés aux héritiers le 20 mai 1630,

le privilège du roi de France daté du 21 décembre 1620,

le privilège des états de Hollande accordé aux héritiers le 5 juin 1627.

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Entre le privilège, assez long, de Ferdinand II et les privilèges suivants, ce petit texte latin :

Admonito ad emtores

Monendi sunt emtores huius voluminis, partem quae actura erat de armis & certamine equestri, ob Authoris obitum minime fuisse perfectam ; ne frstra illam hic requirant aut post hac expectent

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Un mystère réside dans l'affirmation par La Fontaine Verwey, dans son article publié dans Amstelodanum, que le privilège du roi de France a été accordé à Gérard Thibault le 11 décembre 1626. L'auteur se base sur ces dates pour situer la date de décès de Gérard Thibault durant la première moitié de 1627, puisque le privilège du roi de France a été accordé à Gérard Thibault lui-même, et le privilège des états de Hollande a été accordé à ses héritiers.

Il s'agit bien d'une erreur de La Fontaine Verwey. Toutes les copies consultées montrent bien la date du 21 décembre 1620 pour le privilège de publication accordé par le roi de France. (Ici, le listing des exemplaires actuellement recensés).

Le décès de Gérard Thibault serait donc à situer entre 1624 (où Gérard Thibault écrit une contribution en espagnol dans l'Album amicorum de

Cornelis de Glarges de Haarlem - ami commun de Gérard Thibault et de David Bailly puisque le peintre écrivit un mot "en forme de vanité" sur cet Album Amicorum) et mi 1627.

 

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L'ouvrage est divisé en deux livres :

            - Livre I : rapière seule contre rapière seule - 33 gravures

            - Livre II : rapière seule contre rapière et poignard, contre rapière et rondache, contre épée deux main, contre gaucher, contre mousquet -   13 gravures.

En tout, 17 graveurs de renom intervinrent dans la réalisation de l'iconographie.

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Les gravures sont placées en début avant le texte les décrivant et les explicitant. La maison d'édition Kubik a choisi d'insérer les gravures au centre du texte du tableau.

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Les variantes de cette édition "complète" propose des présentations d'introduction différentes.

Sur certains exemplaires, comme ceux de La Haye ou de Gand, il "manque" plusieurs pages : celle du privilège impérial, celle des épigrammes de Caspar Barlaeus et Gabriel von Danuf, celle de l'avertissement à l'auteur.

Dans la copie de l'Université d'Amsterdam, les blasons des donateurs sont dispatchés dans le corps de l'ouvrage.

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Gérard Thibault annonçait dans son titre un second volume sur le combat à cheval. Mais il décéda avant de le rédiger. Pour les amateurs d'équitation, c'est bien regrettable. Gérard Thibault nous aurait-il parlé du combat à la jineta? Cette façon de monter - bien assis dans la selle, les jambes fléchies, les étriers assez hauts - et de combattre à cheval, basée sur l'escarmouche et les mouvements circulaires, exige une grande souplesse du cheval, et de facto exige un travail d'assouplissement du cheval en amont. Ce sont les origines de l'équitation espagnole de travail  doma vaquera et de l'équitation tauromachique. En France, à cette époque, on appelait les chevaux espagnols, particulièrement souples et aptes à opérer ce type de combat à la jineta : les genêts d'Espagne. Les chevaux espagnols (les Andalous ou Pure Race Espagnole et les Lusitaniens) et étaient donc particulièrement recherchés.

A cette même époque en Europe, l'équitation commençait à être érigée en véritable art et les cours européennes pratiquaient cette équitation savante, recherchant le rassemblé et une grande souplesse du cheval, comme dans l'équitation tauromachique. Ce sont les italiens qui en donnèrent l'impulsion principale dans la première moitié du XVIe siècle, avec de grands noms comme Cesare Fiaschi à Ferrare et l'un de ses élèves, Gianbatista Pignatelli à Naples. En France, ouvrant la voie de l'équitation classique française, le grand écuyer Antoine de Pluvinel, lui même élève de Gianbatista Pignatelli, publia en 1623, de façon posthume, Le maneige royal. Cet ouvrage devint célèbre par sa réédition de 1625, remaniée, sous le titre : L'instruction du roi en l'exercice de monter à cheval. Les gravures magnifiques de cet ouvrage ont été réalisées par Crispin de Pas, qui a réalisé une gravure de l'Académie de l'Espée. Il n'est d'ailleurs pas exclut que Gérard Thibault et Antoine de Pluvinel ne se soient pas rencontrés lors d'un séjour de Gérard Thibault à la cour de France. Les figures équestres de la page de garde de l'Académie de l'Espée, dessinées sous l'intitulé de l'ouvrage, représentent, de gauche à droite : pesade, courbette et levade : trois airs relevés de cette équitation savante.

De nombreux tableaux d'époque montrent de très beaux chevaux montés, très bien mis.

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