top of page

Le traité d’escrime de Gérard Thibault est consacré à l’épée. Selon l’auteur, l’épée seule est suffisante pour assurer la défense de celui qui sait la manier selon les bons principes. Le livre I de l’Académie de l’Espée ne traite que de l’épée seule contre l’épée seule. Les deux escrimeurs sont droitiers. Le livre II est consacré à l’étude de l’épée seule contre l’association épée et poignard, contre l’association épée et rondache, contre l’épée à deux mains, contre l’épée seule mais tenue par un gaucher, et contre le mousquet. 

 

Le terme utilisé par Gérard Thibault pour nommer l’arme est simplement épée. Est-ce parce qu’il considérait l’épée utilisée comme l’ultime évolution de cette arme ? Gérard Thibault proposant l’ultime évolution de l’art du maniement de l’épée…

Au regard de la terminologie actuelle nous parlerions de rapière, terme que Gérard Thibault n’utilise pas une seule fois. 

 

La rapière est indissociable de l'époque à laquelle elle a été utilisée : l'âge d'or de la rapière est 1580-1630. Elle disparaîtra rapidement après cette date pour laisser place à l'épée de cour. 

 

Le terme « rapière » est source de quiproquo terminologique.

Il vient de l’espagnol espada ropera (épée de robe) et désigne une épée plus fine et plus légère que celle utilisée à des fins militaires. Cette épée se porte à la ville et devient accessoire vestimentaire. Elle est ornement et signe d’appartenance à une certaine catégorie sociale. Elle devient également l’arme d’une escrime civile. 

Ce terme d’espada ropera est mentionné pour la première fois dans un inventaire de Don Álvaro de Zúñiga en 1468. Cette espada ropera est alors l’équivalent de ce qu’on nomme actuellement spada da lato ou épée de coté, mais elle deviendra, dans son évolution historique, la rapière telle que nous la connaissons aujourd’hui. 

Un article espagnol très documenté sur l’espada ropera : ici

Le mot anglais rapier vient désigner cette même épée, puisque fin XVIe siècle, le traducteur anglais du traité de Giacomo Di Grassi (le traité de Di Grassi date de 1575. Il a été traduit en anglais en 1599), dans un paragraphe introductif intitulé An advertissement to the curteous reader, spécifie que le terme rapier est plus adapté que le terme sword à la traduction anglaise de son temps. Et pourtant, Giacomo Di Grassi traite de la spada (l’actuelle spada da lato), l’épée de l’escrime bolonaise. 

Aux Pays-Bas, Pieter Bailly (voir plus haut) parle également de rapière. 

En Allemagne,Joachim Meyer parle de Rapier en 1570. C’est la même époque que le traité de Di Grassi, c’est la même épée. A noter que chez Meyer, l’épée est tenue la main entière sur la fusée. 

En 1617, le traducteur français de Hieronyme Calvacabo utilise le mot d’épée.

Les Italiens, comme Fabris ou Capoferro, les Espagnols comme Pacheco de Narvaez, utilisent le mot d’épée. 

La rapière, telle que nous la concevons aujourd’hui, constitue l’évolution de l’épée de côté.

La rapière est une épée à la lame longue et fine. Essentiellement destinée à l’estoc, elle est également tranchante, mais les tranchants ne sont pas aussi puissants que ceux des lames plus larges et plus anciennes. La lame est flexible. 

La garde est plus élaborée que celle des épées précédentes. Il y a un ricasso et un pas d'âne destinés à avoir meilleure saisie de l'arme et meilleure protection de la main. 

La rapière, peut-être richement décorée, devenant une arme d'apparat. 

 

Classiquement, on considère la rapière comme une épée de duel. Des tableaux de Jan Brueghel (1601-1678. Fils de Jan Brueghel l’Ancien, petit-fils de Pieter Brueghel l’Ancien et neveau de Pieter Brueghel le Jeune) et de Sébastien Vranckx (Anvers 1574 – Anvers 1647) montrent la rapière en situation militaire.

 

Un article de Mme Laetitia Sansonetti traitant de l’histoire de la rapière : ici 

Les rapières de la Collection Wallace à Londres : ici

 

 

 

 

 

 

L’épée de Gérard Thibault a des caractéristiques précises. 

L’auteur les détaille dans les tableaux 1 et 2 du Livre 1. 

 

Dans le tableau 1, Gérard Thibault décrit la longueur de l’épée. Cette longueur est, pour Gérard Thibault, chose fondamentale. Il s’étonne que les maîtres d’armes qui l’ont précédé n’en ont que si peu débattu.

Car, outre le fait d’utiliser l’arme pour l’escrime, il faut pouvoir la porter et la dégainer aisément.

 

Elle doit être accordée à la taille de l’escrimeur et à la longueur de ses membres, et comme le cercle est construit selon les proportions du corps, la longueur de l’épée découle du cercle et inversement contribue à le construire. 

La lame, de la pointe à la croisée de la garde, doit mesurer le demi-diamètre, si l’on place la pointe de l’épée entre les deux pieds, les deux branches de la garde arrivent au niveau du nombril. 

Si l’on met l’épée vers le haut, avec les quillons toujours au niveau du nombril, on retrouve la pointe au niveau des doigts quand le bras est levé, ce qui fait dire à Gérard Thibault que la mesure de la lame est égale à la juste moitié de la personne étendue. La longueur de l’épée est aussi égale à la longueur du pas double. 

 

 

Gérard Thibault précise également, dans le tableau 2, les justes mesures de la garde, de la poignée et du pommeau, du pendant de l’épée et du ceinturon qu’il fait découler du cercle et qu’il rapporte et au corps de la personne (ces justes mesures, ajoute-t-il, font voir leur perfection, par la bienséance d’une part et par la commodité de l’usage d’autre part).

La forme entière de la garde et de la poignée ensemble avec le pommeau est représentée dans ces deux quadrangles opposés sur la longueur de l’équerre. La pièce se voit être divisée en trois partie. Car, premièrement, elle y est mi-partie en deux moitiés égales à travers le centre du quadrangle, et puis l’une desdites moitiés derechef en deux égales moindres par la ligne collatérale.

Suivant laquelle, présupposons que la garde doit avoir en longueur autant qu’il y a depuis l’entre-coupure de la collatérale jusqu’au centre, et la poignée ensemble avec le pommeau autant qu’il y a depuis le centre jusqu’au côté du quadrangle qui est deux fois autant. 

Le pommeau doit être de forme un peu plus longue qu’ovale.

La longueur de la branche de la croix doit être comme celle de la ligne pédale, et par conséquent égale à la longueur de la plante du pied. 

Par lesquelles mesures, il s’entend qu’elle sera la forme de la garde, aux alentours on apporte quotidiennement tant de nouvelles inventions et avec si peu de fondement, comme si sa façon n’était là que pour servir de simple ornement à la personne plutôt que pour servir en cas de nécessité. Les uns ont des branches crochues ou courbées, des pommeaux grands, ronds ou plat, d’autres ont comme des corbeilles à la poignée ; le tout pour faire je ne sais quelle parade de courage, ou plutôt de couardise ; selon le proverbe espagnol : « Cargado de bierro, cargado de miedo ». 

 

La forme que nous lui donnons est simple et honnête, même en la conversation civile, et n’est pas du tout défavorisé en défense.

Après la description de cette forme, il est raisonnable d’en expliquer aussi les raisons des mesures pour en démontrer la perfection. La longueur du pommeau avec la poignée, nous l’avons faite égale à la ligne d’équerre depuis le côté du quadrangle jusqu’au centre, ce qui fait la juste longueur de la main, donc il faut un peu moins que la moitié pour la longueur du pommeau, en sorte que le reste en demeure un peu plus qu’une paume, qui est la juste mesure de la garde pour être empoignée de toutes les façons qu’on voudra et principalement à notre mode. Et en procède la commodité de ce qu’une telle longueur est justement capable de loger le poing de la personne, qui est à peu près égale à une paume. La garde doit aussi avoir sa juste longueur depuis les branches en avant ; à savoir la juste moitié de la longueur précédente. Ce qui apparaitra par expérience en notre exercice quand il sera question de fermer la droite ligne, en parant et blessant tout en même temps, sans changer de place à la main. Si la garde est de la juste mesure, on en sera capable et autrement pas. 

Il en sera la même chose concernant les branches de la croix. Si celles-ci ne sont pas de la juste proportion de leurs mesures, Elles seront défaillantes dans leur usage qui est de surprendre, ferrer et contraindre la lame adverse à faire de grands mouvements et de grands circuits autour de la garde. Car comme les remparts d’une ville qui ne doivent pas simplement empêcher les assauts des ennemis par l’entremise de leur corpulence, mais beaucoup plus par les défenses offensives les rembarrer et les renverser à terre, la garde est le rempart de la personne et se doit de prévaloir principalement de ses branches pour contrer l’adversaire.

 

Les subdivisions de la lame

Gérard Thibault divise la lame en 12 segments d’égales longueurs. Ils correspondent à des degrés de force. 

Graduer sa lame signifie passer d’un degré de force moins élevé à plus élevé. Dégraduer correspond à l’inverse. On peut ainsi graduer sa lame lors de la dégraduation de l’adversaire, ou inversement, faire des graduations ou des dégraduations réciproques. 

bottom of page